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20 février 2019

L'Alchimie, précurseur de la médecine moderne

L'Alchimie, ou la médecine interdite.

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L’alchimie est connue dans l’imaginaire populaire comme une sorte de magie consistant à transformer le plomb en or.

Mais c’est réducteur : les Alchimistes cherchaient le remède universel permettant de soigner toutes les maladies (la Panacée) et l’élixir de longue vie, une boisson légendaire capable de prolonger la vie humaine. Les Alchimistes s’intéressaient donc beaucoup à l’être humain, la santé, les maladies, et pas seulement aux métaux précieux. On peut les considérer comme des sortes de médecins, ou, mieux, des Docteurs. Ils ont contribué de façon décisive à l’avènement de la médecine moderne.

Voici leur histoire...

Les Alchimistes, précurseurs de la médecine moderne

Les premiers essais d’alchimie dont on a la trace furent ceux de Théophraste, un philosophe grec du IVe siècle av. J.-C. Certains historiens font remonter les sociétés secrètes d’alchimie à l’Égypte ancienne.

Mais l’alchimie est surtout associée dans nos esprits aux savants et sorciers du Moyen Âge. C’est à la fin du Moyen Âge, en 1493, qu’est né le fameux alchimiste et astrologue suisse qui allait révolutionner la médecine : Philippus Theophrastus Aureolus Bombastus von Hohenheim, plus connu sous le nom de Paracelse.

Vous aurez noté que son second prénom officiel était Theophrastus, comme le premier alchimiste de l’Antiquité grecque.

Ce n’est pas un hasard. Le père de Paracelse, Wilhelm Bombastus von Hohenheim, était lui aussi alchimiste et médecin. Il avait souhaité baptiser son fils du nom du grand maître de l’alchimie. La famille de Paracelse vivait à l’abbaye bénédictine d’Einsiedeln, en Suisse, sur les rives du lac des Quatre-Cantons. C’est auprès du père abbé de cette abbaye que Paracelse fut initié aux premiers secrets de l’alchimie. 

Paracelse se rebelle contre les principes de médecine d’Hippocrate

À cette époque, la médecine restait encadrée par les théories d’Hippocrate et de Galien, colportées au Moyen Âge par la médecine arabe. Cette médecine reposait sur la « théorie des humeurs » et consistait à donner aux malades des mélanges compliqués de plantes, minéraux, produits animaux. On estimait que plus une formule était bizarre, plus elle avait de chance de fonctionner.

D’où l’usage de chair de serpent, sang de fœtus, venin de scorpion et autre « bave de crapaud » qui entraient dans la composition des potions, mixtures et élixirs prétendument magiques. Le plus connu d’entre eux, le « thériaque », dont l’origine remonterait au roi de l’Antiquité Mithridate, comptait jusqu’à 100 ingrédients (dont la chair de vipère).

Le problème, évidemment, est que lorsque ces potions produisaient un effet bénéfique sur le malade, il était impossible de savoir à quel ingrédient l’attribuer. De plus, la potion ou le mélange qui contenaient des dizaines d’ingrédients ne pouvaient pas aisément être reproduits à une époque où la classification des végétaux et des éléments naturels n’était pas rigoureuse.

À la recherche de la « quintessence » des choses

En tant qu’alchimiste, Paracelse savait faire fondre des métaux pour les purifier, réaliser des alliages. Il connaissait le principe de l’oxydation et de la réduction. Il savait que les métaux pouvaient former des sels, ceux-ci pouvant être solubles et donc entrer dans la réalisation de solutions buvables. Il était convaincu que chaque objet avait en lui une sorte d’esprit volatil qu’il appelait la « cinquième essence des choses » ou « quintessence » (quinte-essence). Il supposait que chaque plante, minéral, substance sur terre avait existé à l’époque de la création de l’univers sous une forme pure, non contaminée.

Avec le temps, pensait-il, les éléments s’étaient mélangés et chargés d’impuretés. Ce phénomène avait à la fois diminué leurs vertus curatives et rendu ces produits toxiques. En revanche, s’il parvenait à retrouver l’état de pureté originelle des substances terrestres, elles pourraient servir de médicament et guérir toutes les maladies. Après avoir voyagé dans toute l’Europe, non seulement pour explorer les mines de métaux, mais aussi pour suivre des cours de médecine dans les universités, Paracelse en conclut que les enseignements des médecins ne valaient rien. Il rejeta les théories d’Hippocrate et de Galien. Il refusa de prêter le serment d’Hippocrate quand il fut nommé professeur de médecine à l’Université de Bâle, en 1527. Quelques semaines plus tard, le jour de la Saint-Jean, il brûla en place publique plusieurs exemplaires de la grande œuvre du médecin arabe Avicenne (Ibn Sina), le « Canon de la médecine », asservi lui aussi aux principes d’Hippocrate.

Il se lança en revanche dans les premiers essais de « monothérapie », c’est-à-dire administrer une seule substance à la fois aux malades, par opposition à la « polypharmacie », les mélanges compliqués, qui avaient été la marque de fabrique de Galien et d’Ibn Sina.

Mais en tant qu’alchimiste, il commença par des substances toxiques comme le plomb, l’or, le mercure et l’antimoine.

Ce fut une catastrophe. Sous son influence, les sels de mercure devinrent le traitement officiel de la syphilis, avec des effets horribles pour les patients :

« Sans hésitation, étalez cette mixture sur votre corps et couvrez-en entièrement votre peau… Recommencez dix jours de suite… très vite, vous sentirez que les ferments de la maladie se dissolvent d’eux-mêmes dans votre bouche, produisant un flot dégoûtant de salive », expliquait en 1530 l’un de ses disciples, le médecin italien Girolamo Facastoro.

On sait aujourd’hui que cette intense salivation est provoquée par l’intoxication au mercure, le corps essayant de se débarrasser par tout moyen de ce poison affreux. Mais le traitement fut néanmoins appliqué pendant des siècles et l’on trouvait encore dans les années 50 des comprimés de mercure et de digitale, prescrits comme diurétiques.

Néanmoins le principe de Paracelse de donner un produit unique, et le plus pur possible, aboutit finalement à la découverte des premiers traitements médicamenteux modernes efficaces.

Le premier fut le traitement de la malaria, à partir de la racine de quinquina rapportée au XVIIe siècle par les Jésuites d’Amérique du Sud et qui, purifiée, produit un alcaloïde d’importance majeure en médecine, la quinine. C’est le même principe qui permit la découverte de la racine d’ipeca, à l’origine du premier traitement contre la dysentrie en 1648 par William Piso, un médecin hollandais qui revenait du Brésil. La purification de l’opium, qui produit la morphine, aboutit également au XIXe siècle au progrès dans le traitement de la douleur et les antitussifs à base de codéine (dérivée de la morphine).

Aujourd’hui, toute l’industrie pharmaceutique repose sur ces efforts de recherche et de purification des substances, dont on mesure ensuite l’effet lors des recherches cliniques.

« C’est la dose qui fait le poison »

Paracelse apporta une autre contribution décisive à la médecine, de façon accidentelle. Constatant les effets désastreux des sels de mercure, de plomb, d’antimoine et d’or sur ses patients, il ne se laissa pas démonter. Il décréta une formule qui devait connaître un succès planétaire et universel, justifiant par avance les expérimentations les plus saugrenues de ses successeurs :

« Toutes les choses sont poison, et rien n’est sans poison ; seule la dose détermine ce qui n’est pas poison. »

Autrement dit, si ses patients mourraient empoisonnés au mercure, au plomb ou à l’or, ce n’est pas parce que le mercure, le plomb et l’or sont toxiques en soi, c’est uniquement parce que la dose était trop élevée !

On sait aujourd’hui à quel point ce principe est faux. Le mercure, le plomb et l’or sont toujours toxiques, même à petite dose. Certes, en-dessous d’une certaine quantité, notre organisme survit malgré tout. Mais il n’existe pas de dose à laquelle le mercure, le plomb et l’or soient bons pour la santé. Néanmoins, ce principe audacieux déboucha par miracle sur une moisson de découvertes qui allaient révolutionner le sort de l’humanité.

Les médecins qui lui succédèrent se mirent ainsi à « oser » donner, à petites doses, toutes sortes de produits à leurs patients, y compris ceux qui étaient connus pour être des poisons. Et c’est ainsi que de nombreuses découvertes révolutionnaires furent faites.

La purification des métaux et la formation de sels organiques devint le principal pilier de la médecine, jusqu’à nos jours. Rappelons que les traitements au lithium restent un traitement de première ligne contre la maniaco-dépression. Les sels ferreux (carbonate, citrate, fumarate, gluconate, iodide, lactate, phosphate et succinate) sont utilisés contre l’anémie et ce qu’on appelait autrefois les chloroses. L’arsenic (arsphénamine) a permis de traiter la maladie du sommeil et la syphilis (Salvarsan). L’arsenic est utilisé aujourd’hui en chimiothérapie contre la leucémie, le platine contre plusieurs cancers (ovaires, testicules, cancer du poumon à petites cellules).

Les traitements de réhydratation nécessitent des solutions minéralisées, elles aussi obtenues par les moyens développés à l’origine par les alchimistes.

Découverte de l’alcool pur

Toujours grâce aux alchimistes, la distillation avait fait de grands progrès au XIIIe siècle avec l’invention de nouvelles formes de verre qui permettaient la distillation fractionnée.

C’est ainsi que fut découverte l’eau-de-vie (acqua vita) par le moine franciscain espagnol Joannes de Rupescissa, par la distillation du vin, c’est-à-dire l’alcool à brûler. Il affirma avoir découvert la « cinquième essence », ou « quintessence », qui serait une panacée pour toutes les maladies. C’est l’origine du terme « eau de vie », qui doit être comprise au sens propre.

Arnald de Vilanova (1240-1311), un médecin installé à Montpellier, utilisa aussi les techniques de distillation des plantes et fit de cette ville la première école de médecine d’Europe.

Le médecin doit aimer les hommes

Nous avons encore bien d’autres dettes à l’égard des alchimistes et de Paracelse en particulier.

« On ne peut point aimer la médecine sans aimer les hommes », disait-il.

Excellent chirurgien (pour son temps), il préconisait de maintenir les plaies propres. Au lieu de faire souffrir en détergeant ou en brûlant les chairs comme le préconisait la médecine arabe, il préférait utiliser la « mumie », composé à base d’huiles essentielles, ou encore les procédés alchimiques tels que les sels d’argent dont les qualités antiseptiques ont été prouvées par la suite.

Enfin, Paracelse était très ferme sur la nécessité pour le médecin d’être honnête, responsable, conscient de ses responsabilités : « Je vous recommande de ne pas être âpre au gain, de mépriser le superflu et la fortune, de voir quelquefois des malades gratuitement », disait-il.

« Le médecin ne doit pas trop se vanter… Il doit savoir ce que veut la nature et qu’elle est le premier médecin. »

On ne saurait mieux dire !

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